C’est le cerveau et lui seul qui commande la faim. Lui seul. Les émotions vous envahissent, et vous ne contrôlez plus rien. Avec le groupe de parole, vous apprendrez à canaliser vos émotions, à les diriger ailleurs, peu à peu la faim diminuera et les crises de boulimie s’estomperont. Ensuite viendra naturellement un retour à un poids normal.
Les réunions ont lieu une fois par semaine, à Metz. Bien entendu, vous pouvez aussi y participer par téléphone . Chaque participant énonce sa problématique, le déclencheur de la crise, ensuite je donne une méthode adaptée à chacun pour éviter que la crise ne se reproduise. Chaque participant quitte le groupe avec un objectif à atteindre pour la semaine à venir.
Malheureusement, j’ai fait partie de la première génération des adolescents boulimiques, il y a plus de 40 ans. Sans médicaments, sans thérapie, j’ai réussi à me guérir de façon définitive.
Le livre Meurs la faim, 1999, Gallimard, Collection Frontières, sous le nom Anne Colmerauer a été le premier livre publié sur le sujet en France.
« Au fond à droite, le frigidaire me fait un clin d’œil. Pieds nus sur le carrelage, je m’approche. Il m’hypnotise avec son ronronnement tranquille. Haut comme moi, plus large il rayonne d’hygiène et de propreté. J’entrebâille doucement le battant du frigidaire. Une lumière verte comme un ver luisant jaillit, si brutalement qu’elle semblait être prisonnière à l’intérieur.
Enfin, Maud, qu’est-ce que tu fais ? Ton régime ? Et tes cuisses ? Toute cette souffrance pour arriver au bout de tes peines ?
Le beurre est soigneusement emballé dans son papier aluminium, le fromage rebondit sa boîte de carton. C’est un univers parfait.
Maud, ça ne va pas non ? Arrête-toi, pendant qu’il en est encore temps !
C’est un univers parfait. Tous m’envoient des messages d’amour et de douce affection. Ce sont les seuls qui peuvent m’aider, me consoler.
Mon estomac est en effervescence, il frémit d’impatience. Est-ce mon estomac ou ma tête ? Je confonds les deux. J’ai faim dans ma tête. Je m’impatiente.
Mes gestes deviennent rapides et précis. J’attrape une tranche de pain de mie. Plutôt, je déchire le paquet pour extraire le pain. Pas le temps de le faire griller. Les pensées s’emmêlent. Tout bascule. J’ai chaud. Qu’est-ce que tu fais ? Qu’est-ce que je fais ? Je suis en transes. Dans un état second, j’enduis le pain glacé d’épaisses couches de beurre. Mon cœur s’accélère.
Non, non, ne mange pas cette tartine !
Tu vas le regretter, tu vas le regretter amèrement !
Retenue par les fils tendus de la voix, j’hésite, mâchoire ouverte, tartine au bord de la lèvre inférieure. Toute ma vie se tend dans cette attitude. Je peux encore refuser de mordre le pain.
Un éclat de rire aigu me parvient du salon. Le rire se transforme en long sifflement, non, c’est trop douloureux. Mes gencives se sont enfoncées dans l’épaisse couche de beurre froid.
Un plaisir insolent m’a submergé. Un plaisir ignoré jusque-là. Tout le gris a disparu. La tartine est avalée en une bouchée. Encore. Encore. Deux, trois, quatre, larges tranches se succèdent. À chaque fois, la même jouissance. »